Créer des lieux de vie où vivre plus longtemps a du sens…
Caroline exprime à travers cet interview le regard que nous portons sur nos aînés et la place que nous leur accordons dans notre société.
Merci à Capresidencesseniors pour cet échange.
A quoi ressembleront les résidences sénior de demain : vision d’architecte. Basé à Liège, en Belgique, helium3 est un cabinet d’architectes qui choisit de développer des projets à la fois durables et optimistes. Une positive attitude qui réussit à cette équipe de trentenaires qui a d’ailleurs remporté un prix à la COP22. Zoom sur la vision de l’habitat sénior de demain d’helium3 aux côtés de Caroline Broux, architecte.
En terme d’aménagements ou encore de solutions technologiques, à quoi doit, selon-vous, ressembler l’habitat sénior de demain ?
L’habitat sénior de demain doit, avant tout, renvoyer une image positive. C’est vrai, à la fois pour les infrastructures, les logements et pour les équipements qui doivent être non-stigmatisants. Prenons l’exemple d’un lavabo. Il ne doit pas être complètement différent de ce que l’on voit traditionnellement et renvoyer aux séniors une image négative. Autre exemple, plutôt que d’équiper les couloirs d’une clinique ou d’une maison de repos avec de simples main courantes en applique, on peut plutôt réfléchir à une main courante intégrée à la paroi qui soit aussi un éclairage indirect.
Dans les résidences sénior, les personnes doivent avoir plutôt l’envie d’un nouveau départ, après la fin de la vie active. Ils ne doivent surtout pas se dire, c’est le début de la fin ! L’intégration architecturale de ces différents équipements doit être réfléchie dès le départ ; Ainsi, on doit pouvoir équiper facilement et rapidement les logements pour répondre aux besoins d’une personne en situation de perte d’autonomie.
Il faut que donc que certains aménagements soient absolument intégrés dès le départ, dès les prémices du projet.
Oui c’est un élément à prendre en compte et auquel il faut absolument réfléchir. En terme d’aménagements comme de technologies d’ailleurs. Par exemple, on peut penser à doter un logement d’un dispositif de détection de chute, aidant à intervenir en cas de problème et à s’assurer que tout se passe bien.
On ne peut pas construire une habitation et se dire que deux ans plus tard qu’il faut refaire le revêtement de sol. Il faut prévoir dès le départ certains revêtements et câblages qui permettent ensuite une adaptation facile. En clair, les logements sénior doivent être adaptables à moindre cout et à moindre effort, pour permettre aux personnes d’y rester même si elles se retrouvent avec une canne ou un pied dans le plâtre.
Lorsqu’une personne entre en résidence sénior, elle ne doit pas se dire qu’à la moindre occasion, ou petite perte d’autonomie, elle devra changer de logement, se retrouver en maison de repos ou à l’hôpital… car cela veut dire aussi dire changement d’environnement social et donc, perte de repères.
Vous avez présenté votre vision au cours du salon Living City, comment vos idées ont-elles été accueillies ?
Dans ce salon consacré aux technologies, je venais dans la perspective de recentrer les débats autour de l’humain. Et dire que la technologie doit être choisie et non pas imposée. Ma présentation était centrée sur ces concepts non stigmatisants et de choix. J’avais peur d’être un peu hors cadre. Mais en réalité la moitié des intervenants partageaient la même vision. Je pense que nos idées s’inscrivent dans la mouvance et la réflexion actuelle. Bien sûr, les logements doivent évidemment être fonctionnels. Mais les gens doivent, avant tout, percevoir qu’ils sont pensés pour eux.
L’idée globale est donc actuellement d’aller au-delà de ce qui est prévu en terme de constructions « standard » ?
Oui tout à fait.
Toutefois, le problème des résidences séniors, c’est qu’elles ont tendance à devenir un produit d’investissement. Or, comme tout produit d’investissement, le risque est qu’à un moment, on vise uniquement la rentabilité. Et je pense que c’est un mauvais calcul. Parce que si la résidence n’est pas pensée pour les usagers, ils loueront peut-être ce logement mais ils n’y resteront pas. Pour l’investisseur, le projet sera rentable à court terme, mais peut-être pas à long terme.
Cette démarche est tout aussi importante dans le cadre d’une résidence de services sénior que de tout autre projet.
Par exemple, l’un de nos clients nous a demandé de concevoir un bâtiment industriel pour un showroom de mobilier design. Nous ne nous sommes pas juste dit qu’il s’agissait simplement de mobilier. Nous avons d’abord interrogé le propriétaire en amont, pour savoir ce qu’il aimait, connaître ses passions etc. Au final, il dispose maintenant d’une cuisine au beau milieu de son showroom de mobilier design, parce qu’il adore manger et faire ses réunions autour d’une table et d’un bon verre de vin. Désormais, il commence toujours ses réunions dans cet espace inattendu. C’est vraiment ce genre d’éléments que nous essayons d’intégrer dès le départ, pour que les gens se disent que c’est leur bâtiment, s’y sentent bien et se l’approprient mieux.
Quels sont les projets en cours pour helium3 ?
Dans le cadre de la silver économie, un projet va bientôt sortir de terre. Le chantier va démarrer courant 2018. C’est une résidence de 50 unités, en province de Liège à Fléron (en Belgique). Le projet va naitre sur un site où existe déjà un bâtiment. Ce dernier va accueillir 3 maisons unifamiliales, 5 appartements et un cabinet d’ostéopathes. L’idée est d’avoir un jardin commun ainsi qu’un restaurant ouvert au public dans la résidence et ainsi, de recréer du lien. De permettre aux gens de la résidence service de sortir de chez eux et de croiser d’autres gens, de nouveau, s’ils le désirent. Nous souhaitons en tous cas inciter aux rencontres et créer du lien social pour rompre l’isolement de certaines personnes. Bien situé, ce projet se trouve à proximité du centre de Fléron, de tous les services comme des transports. Tout près se trouve également le Ravel, un itinéraire multimodal pour piétons et vélos dont les aménagements permettent à tous de se déplacer en toute sécurité et dans un cadre agréable.
Parallèlement, plusieurs autres projets de résidences-services et de maison de repos sont à l’étude. Un village sénior en est également à ses prémices. Chez helium3, nous souhaitons vivement continuer à développer ce type de projets. Car nous visons principalement deux objectifs : concevoir des bâtiments qui sont centrés sur les besoins des utilisateurs et intégrer les différents paramètres de développement durable. Et je pense que, justement, la silver économie peut permettre de développer ces deux concepts.
Une phrase sur votre site web semble bien résumer votre philosophie, c’est « l’architecte garde un rôle clé en terme de définition des besoins. L’homme a besoin d’espaces, de lumières, de couleurs, d’architecture et pas seulement de blocs empilés ».
Oui, c’est exact. Cela rejoint le fait que l’on doit avant tout mener une réflexion intégrée. En d’autres termes, connaître les matériaux, c’est une chose. Mais ensuite de nombreux autres éléments sont à intégrer pour vraiment créer des lieux à vivre.
Notre idée est avant tout de réfléchir à créer des bâtiments où les gens se sentent bien. En réalité, il y a mille façons de construire une maison ou un logement de 45 m2et nous n’avons pas la prétention de dire que ce que nous proposons convient à tout le monde. Notre optique est par exemple de se dire : il faut que les gens disposent de suffisamment de lumière naturelle mais sans surchauffe. Par conséquent, des éléments doivent être intégrés aux bâtiments dès le départ pour éviter les problèmes de surchauffe. Si ces éléments doivent être ajoutés par la suite et que cela représente une contrainte, cela ne fonctionne pas. C’est pourquoi nous réfléchissons à l’intégration des éléments dès le départ. Cela prend forcément du temps et de l’énergie, en amont. Toutefois, je pense que le résultat y est.
Qu’est-ce que la Silver Economy évoque pour vous ?
Dans le cadre de la Silver Economy, nous pensons qu’il est très important pour les séniors de s’approprier l’espace, de se retrouver et de s’identifier à ce lieu.
La Silver Economy est donc pour nous bien sûr une opportunité de marché qui fait écho à notre philosophie mais aussi celle de contribuer à modifier le regard que nous portons sur nos ainés en créant des lieux de vie où vivre plus longtemps a du sens.